INTRODUCTION
L'évocation historique du 70ème anniversaire de la création du 5ème Bataillon TTr le 24 septembre 2009 m'a fait plonger dans l'Histoire pour retrouver la trace de ce héros, créateur de notre chère unité. D'une manière étonnante, le Major Housiau n'est pas très connu des transmetteurs belges et le but de cet article est de mettre en lumière celui qui fut le premier Commandant du 5 Bn TTr et donna son nom au grand complexe militaire de Peutie ainsi qu'à deux rues du Hainaut : à Montigny-le-Tilleul et Roux.
Cet article a été possible grâce à internet et surtout à la famille du Major Housiau, sa fille Christiane et en particulier Monsieur Franz Bonnet, son gendre, qui a mis à ma disposition de nombreux documents et photographies. Monsieur Bonnet a décrit l'homme attachant et le chef soucieux de ses hommes qu'était le Major Housiau. Il a voulu aussi insister sur les phases les moins connues de sa vie : sa participation à la première guerre mondiale et son action de résistant dans l'Armée Secrète, ce qui lui vaudra sa mort en captivité.
SES ETUDES
Raoul Housiau est né à Courcelles le 14 décembre 1894. Ses études le mènent successivement à l'Ecole Primaire de Roux, à l'Athénée de Charleroi et à l'Internat de Dinant. En 1912, il entre à l'université de Gand, puis la première guerre mondiale survient et il doit interrompre ses études.
Le 4 août 1914, il n'a pas encore 20 ans quand il s'engage comme volontaire de guerre et demande à rejoindre le front le plus vite possible
LA PREMIERE GUERRE MONDIALE
Dès la mobilisation, Raoul Housiau est affecté au 10ème Régiment de ligne composé de 3 bataillons placé sous les ordres du Colonel Verbist, qui participe à l’organisation et à la défense de la Place Fortifiée de Namur. Il convient de remarquer que c'est ce régiment qui a donné naissance au Régiment des Chasseurs Ardennais qui s'est illustré en 1940. Le drapeau des Chasseurs Ardennais porte d'ailleurs les mentions "Yser, Essen, Cortemarck, Namur et Termonde" toutes obtenues par le 10ème de Ligne. |
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Raoul Housiau portant le
bonnet à floche du 10e Ligne |
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Après la prise de ville, le Régiment s’échappe par l’Entre-Sambre et Meuse et gagne péniblement la France le 25 août 1914.
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Le 27, le Régiment arrive à Rouen par chemin de fer, puis atteint Le Havre le 30. Les hommes embarquent dans un vieux navire français "Le Mexico" et débarquent à Zeebrugge le 3 septembre pour rejoindre l'armée qui défend Anvers. L'unité se réorganise à Contich et participe à la sortie vers Wavre-Ste-Catherine et aux glorieux combats de St-Gilles-Lebbeke (les 26-27 septembre 1914).
C’est ensuite la retraite historique vers l’Yser et le 18 octobre le 10ème Ligne est violemment attaqué à Keyem et défend, au cours de la bataille de l’Yser, la région de Stuyvekenskerke. |
Raoul Housiau est blessé une première fois et reçoit une balle dans l'épaule à Oud-Stuyvenkenskerke sur le front de l'Yser. En 1915, il est cité à l'ordre du jour de l'armée pour son courage manifesté face à l'ennemi.
Au cours de la stabilisation du front, après la bataille de l'Yser, le régiment occupe les secteurs de Nieuport (25-12-1914 au 20-2-1915), de Drie Grachten (28-2-1915 au 12-3-1915), de Ramscappelle (26-3-1915 au 17-101915), du fort de Knocke (18 au 27-10-1915), de Dixmude (5-12-1915 au 10-5-1916) et Ramscappelle (25-5-1916 au 20-3-1917). Après les inondations commandées par l'Armée belge, Raoul Housiau se trouve à un moment donné sur un bout de terrain connu sous le nom de la Borne 16. Ce morceau de tranchée construite le long de l'Yser allait devenir le célèbre "Boyau de la Mort".
Une deuxième et très grave blessure l'oblige à être évacué vers l'Angleterre. Mais avant même qu'il ne soit complètement remis de ses blessures il demande à rejoindre le front et ses camarades aussi vite que possible.
En 1917, il est nommé sous-lieutenant au 10ème Régiment de Ligne
Après la guerre il entre à l'Ecole Royale Militaire dans la section Artillerie-Génie pour effectuer ses études.
Ensuite, il accomplit une année de perfectionnement à l'Université de Liège, Section des Sciences Appliquées de Montefiore et reçoit le diplôme d'ingénieur en Electricité.
En 1923, il passe au Génie.
En 1927, il quitte le service actif avec le grade de Capitaine et devient secrétaire général des "Centrales Electriques du Hainaut". Entre 1926 et 1985, cette société comportait des bâtiments techniques, les transformateurs, les ateliers, la chaudronnerie, le réfrigérant ainsi que la darse qui permettait l’acheminement par voie d’eau du charbon jusqu’aux sites industriels.
Toutefois, Raoul Housiau continue sa carrière militaire dans le corps de réserve des officiers et est nommé Major de Réserve en 1937. |
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Photo de famille en 1938. De gauche à droite, sa fille Christiane, son épouse Clarysse, Raoul Housiau, ses soeurs Suzanne et Monique. A l'avant, son frère jumeau René. |
LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE


  
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En 1939, Il est appelé de nouveau sous les armes. Il organise et commande le 5ème Bataillon TTr (D.R.I.) à l'école des Transmissions à Vilvorde.
En avril 1940, c'est la mobilisation générale ; il est muté au 40ème Bn TTr pour en
devenir le commandant pendant toute la durée de la guerre. |

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Quelques photos de la mobilisation en 1940 : le major Housiau, la caserne des Transmissions de Vilvorde et des troupes se dirigeant vers le front. |
VILVORDE
Nous avons retrouvé le manuscrit d'un de ses hommes le Caporal Levacq Robert qui le 15 décembre 1990 écrivait à la famille Housiau ce qui suit :
"Milicien de la classe 1939, j'ai été appelé sous les drapeaux le 16 octobre 1939 et affecté aux Troupes de Transmissions en garnison à Vilvorde.
Après 6 mois d'instruction, mon unité a été désignée pour partir en campagne à l'exception d'un groupe de caporaux dont je faisais partie. Je suis resté en caserne pour effectuer l'instruction de la classe 1940. Ces derniers sont arrivés une dizaine de jours plus tard.
La nourriture était en dessous de tout. Les patates épluchées (meulées) la veille étaient d'une teinte indéfinie. Lorsque l'on soulevait le couvercle des récipients (en forme de grandes poubelles), le parfum qui s'en dégageait n'était pas pour nous mettre en appétit. Si par exemple on vous servait un "rata" de chou rouge, les patates étaient roses et les choux blanchâtres.
Au point de vue literie, on disposait d'une paillasse et d'un oreiller. Pas de draps, la plupartdormaient en pantalon, sauf quelques privilégiés qui en avaient apporté de chez eux; Résultat : au boutde quelques mois, les paillasses et les oreillers étaient dans un état déplorable.
Si mes souvenirs sont bons, le Major HOUSIAU est arrivé à Vilvorde début d'avril. Evénement qui n'est pas passé inaperçu, car c'est lui-même qui s'est chargé de l'inspection des chambrées. Le jour même, nous recevions une housse et un sac à paille pour envelopper et cacher ces oreillerset matelas crasseux.
Une nouvelle cuisine avait été construite sur le côté du corps principal de la caserne, elle était situéeen face de notre chambre qui était au rez de chassée. La construction était toute récente car lorsquenous sommes entrés en caserne en octobre et avons subi les piqûres d'usage avec interdiction de sortir, nous "sautions le mur" aux emplacements des fenêtres. Ces nouvelles cuisines étaient en service depuisquelques semaines et nous étions en première loge pour y suivre tout ce qui s'y passait.
Lorsque aux environs de midi, le chef de corps venait contrôler la "bouffe" et signer le livre, cela ne prenait que quelques minutes. L'on soulevait les couvercles des différents récipients situés à même le sol et qui étaient prêts à être distribués. Le chef de corps humait (peut-être ?) et signait le livre.
Avec le Major HOUSIAU en caserne, cela s'est passé différemment. Vers midi, nous avons constaté des préparatifs inhabituels : petite table recouverte d'une nappe blanche, assiettes et couverts. Lorsque le major est entré, tous étaient au garde-à-vous : sergent-major de cuisine, chef coq et compagnie. Le major ne s'est pas contenté de humer, il s'est fait servir le repas complet. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Le major est entré dans une rage folle et n'a pas mâché ses mots : "Vous boufferiez cela vous !" Et j'en passe. Tout cela d'une voix qu'aucun mur ne pouvait retenir.
Résultat immédiat : chef coq déplacé, sergent-major 15 jours d'arrêts de chambre et ensuite une nette amélioration de l'ordinaire. Le dimanche l'on venait même préparer les plats de hors d'œuvre dans le réfectoire. Cela ne s'est malheureusement présenté que deux fois, le 10 mai 1940 était là.
Dès 4 heures du matin, nous étions réveillés, nous devions vider les lieux immédiatement. Nous nous sommes dispersés dans les campagnes environnantes de Vilvorde. L'on a alors demandé des volontaires pour vider la caserne et charger le tout sur des camions et des wagons garés à proximité de la gare. J'ai ensuite fait partie d'un "groupe d'installation" qui a fait le trajet en camion. Le parcours de nuit s'est effectué dans de telles conditions que lorsque le matin nous sommes arrivés à Ostende, le gros de la troupe venue en train était déjà sur place. Longeant les maisons, nous avons l'attaque d'un avion, on s'est abrité le long des façades. Le major HOUSIAU s'est amené en levant les bras en l'air et en hurlant "Mais N. de D. tirez donc dessus" Nous n'avions qu'un fusil "modèle 1885" et quelques cartouches. Les nouvelles recrues n'en avaient même pas.
Quelques jours après nous avons pris place dans des wagons et avons été dirigés vers le sud de la France. Nous sommes arrivés au bout d'une dizaine de jours de voyage, fourbus et affamés à Castres dans l'Hérault.
Les officiers étaient logés dans des maisons particulières. La troupe avait pris place dans un mas abandonné à environ 3 Km de Castres.
Par la suite, j'ai été désigné comme centraliste (préposé à la centrale téléphonique) à l'Etat-Major qui s'était installé dans la maison paroissiale située face à l'Eglise de Castres.
Je logeais dans la cuisine d'une maison assez cossue mais abandonnée au centre du village. Les autres pièces étaient occupées par des familles belges réfugiées. Le coiffeur attitré du régiment occupait une pièce du rez de chaussée.
Le central téléphonique que je desservais alternativement le jour ou la nuit avec un autre milicien était situé dans le bureau des employés au secrétariat du régiment. Le bureau des officiers, entre autres le major HOUSIAU et le commandant STRUBBE, était contigu au nôtre.
Je me souviens aussi de la voiture de service du major. Elle était vraiment "mini" (genre Fiat 200, les phares étaient placés derrière la grille de protection du radiateur) et l'on se demandait toujours comment un homme aussi corpulent pouvait s'y introduire et prendre place à côté de son chauffeur. Je ne l'ai jamais vu prendre place sur la banquette arrière du véhicule.
Les journées se passaient sans trop de péripéties. Le service de jour au central était plutôt distrayant, pas trop de communications et une bonne ambiance dans le bureau. Il n'en était sûrement de même côté officiers. Je me souviens des feuilles stencilées qui avaient été tirées pour permettre le jeu du "combat naval". A tout moment, l'on entendait "un cuirassé coulé, un coup dans l'eau", etc.
Nous suivions les événements de la guerre avec beaucoup d'intérêt. Il y eut quelques manifestations de rue. Nous voulions le retour en Belgique.
Le major HOUSIAU se démenait pour calmer les esprits. Il y avait entre autres un employé du bureau qui se disait journaliste et craignait que toutes les places ne soient prises lorsqu'il rentrerait en Belgique. J'entends encore le major lui répliquer qu'il se faisait des illusions sur le genre de vie que l'on pouvait mener sous l'occupant.
Néanmoins, il a été décidé de faire le nécessaire pour rapatrier le régiment. Un premier détachement est parti en avant-garde avec mission de donner des nouvelles du voyage et entre autres du passage en zone occupée.
Pour ce qui nous concerne, le départ avait été fixé au 14 août. Nous étions rassemblés vers les 4 heures du matin. Les comptes avaient été clôturés. Une partie de l'indemnité de démobilisation payée (dont je n'ai jamais reçu le solde, voir annexe) -Les voitures des chemins de fer français réservées -La nourriture distribuée, le major nous a passé en revue, d'après lui nous étions trop militaires, il a fait déposer les havresacs, nous ne devions plus conserver que la petite besace avec gourde et nourriture.. Nous avons fait la route de Castres à Sommières (± 20 Km) à pied. Nous avons pris place dans les voitures qui nous étaient réservées en queue du train. Nous y sommes restés jusqu'en Belgique; Le voyage a été relativement rapide entre Sommières et Paris. Coïncidence, lors de l'arrêt du train en gare de Libourne, j'ai aperçu la sœur de mon père et sa mère. Quel choc ! Moi qui étais sans nouvelles des parents depuis le 10 mai. Je n'ai malheureusement pas su attirer leur attention.
Le contournement de Paris a duré presque une journée et ensuite cahin-caha (de nombreuses destructions en fin de parcours) jusqu'à notre arrivée à Bruxelles le dimanche 18 août 1940. Habitant en ce moment à Manage, je suis descendu en gare de Mons et j'ai continué mon voyage en tram.
Je n'ai plus eu par la suite aucune nouvelle de cette compagnie."
Le 15 décembre 1990.
Signé Levacq Robert.
L'auteur a annexé à cette lettre deux documents :
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Une attestation signée par le Major HOUSIAU, Commandant du 40ème Régiment de Troupes de Transmissions certifiant que le Caporal Levacq Robert, L. G. de la Cie 1 Tg/40ème R.T.T.R était démobilisé régulièrement le 15 août 1940 et n'avait pas perçu la somme de 500 francs belges, montant de l'indemnité de démobilisation mais seulement la somme de 144 Fr. comme avance. Le document a été établi le 4 août 1940 et le sceau du Corps y a été apposé.
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Un cartouche (titre) de congé illimité prenant cours à la date du 15 août 1940, établi au nom du Caporal Mil 39 Levacq Robert, Luc Ghislain pour en jouir à Manage, Av Albert 1er n° 7 – District de Gendarmerie de La Louvière, canton de Gendarmerie de Manage. Le document est daté du 14 août 1940, signé à Castres par le Major Housiau et muni du sceau du Corps du 40ème Régiment de Troupes de Transmissions.
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Fin mai 1940, il reçoit l'ordre de se diriger avec ses hommes vers la France.
En août 1940, il se bat pour obtenir l'autorisation de revenir avec ses hommes en Belgique.
Il faut souligner ici que le Major Housiau organisera discrètement le retour en chemin de fer de son unité vers la Belgique, ce qui n'était certes pas simple car il fallait d'abord franchir la frontière séparant la zone de Vichy puis la frontière belge. Le résultat fut que tous ses hommes rentrèrent au pays sans être envoyés en Allemagne comme prisonniers de guerre.
LA RESISTANCE
Il rejoint alors la résistance (Armée Secrète Zone I C-20) et organise des filières d'évasion de prisonniers de guerre français qui s'échappaient d'Allemagne. Il est arrêté le 24 janvier 1942 et est enfermé comme otage à Louvain.
Il est libéré mais persiste à rester actif dans la résistance.
Il est trahi et repris en 1943. Il est enfermé à nouveau à la caserne de Charleroi.
Le 23 mai 1944, l'ingénieur Raoul Housiau est transféré vers l'Allemagne comme prisonnier politique. Il fait partie du convoi n° 54644 qui le mène de Bruxelles à Weimar-Buchenwald puis Nordhausen-Dora.
Dora était un camp qui dépendait du camp de Buchenwald. C'était ce qu'on appelait un "kommando", Il a été créé en 1943, mais est devenu tellement important qu'on peut le considérer comme un camp en soi, ce qu'il ne deviendra qu'en octobre 1944. Le camp est d'abord une usine souterraine qui devait permettre aux nazis de préserver leurs fabrications d'armes secrètes. Plus précisément, l'organisation de Dora est décidée après que les avions de la R.A.F. aient détruit la base de Peenemünde où se construisaient les V1. |

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Cette usine produisit les V1 et V2, les fameuses "armes secrètes" qui auraient dû permettre à Hitler de gagner la guerre : il s'agit d'avions sans pilotes bourrés d'explosifs, ancêtres des fusées et des missiles. Les nazis choisissent la colline de Kohnstein, située entre les petites villes d'Ellrich et de Nordhausen, parce que des galeries y étaient déjà creusées. La main d'œuvre utilisée sera concentrationnaire.
DORA
Les premiers déportés arrivèrent à Dora le 25 août 1943. L'usine se présentait comme un grand tunnel qui serpentait sous la colline.
Le nom de Dora, qui semble être le doux nom d'une femme, signifiait "Deutsche Organisation Reichs Arbeit" et la vie dans cet enfer n'avait rien de poétique comme le décrit un survivant belge de cet enfer

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« Ce tunnel, au début, ils le perçaient, l'agrandissaient, l'aménageaient, presque sans outils, avec leurs mains. Les transports de pierre et de machines étaient faits dans des conditions épouvantables. Le poids des machines était tel que ces hommes, à bout de force, d'énergie, ces squelettes ambulants, mouraient souvent écrasés sous leurs charges.
La poussière ammoniacale brûlait les poumons. La nourriture ne suffisait pas à permettre la vie organique la plus végétative. Les déportés trimaient dix-huit heures par jour (douze heures de travail, six heures de formalités et de contrôles). Ils dormaient dans le tunnel. On creusa des alvéoles : 1024 prisonniers affalés dans ces alvéoles étages sur quatre hauteurs et sur une longueur de cent vingt mètres.
Les déportés ne voyaient le jour qu'une fois par semaine à l'occasion de l'appel du dimanche. Les alvéoles étaient continuellement occupées, l'équipe de jour chassant l'équipe de nuit et vice versa. Des ampoules électriques, très faibles, éclairaient des images de cauchemar. |
Il n'y avait pas d'eau potable. On se jetait où l'on pouvait trouver de l'eau, et où, par exemple, goutte à goutte, se rassemblaient les condensations. On lapait liquide et boue dès qu'un SS tournait le dos, car il était interdit de boire l'eau non potable.
Dans le tunnel, froid et humidité étaient intenses. L'eau qui suintait des parois provoquait une moiteur écœurante et permanente. Transis, nous avions l'impression que nos corps décharnés moisissaient vivants. Des prisonniers devinrent fous, d'autres eurent les nerfs saccagés quand l'installation progressa : le vacarme inouï qui régnait fut une des causes de ces dérèglements ; bruit des machines, bruit des marteaux-piqueurs, de la cloche de la locomotive, explosions continuelles, le tout résonnant et répercuté en des échos sans fin par le monde clos du tunnel. |
Pas de chauffage, pas de ventilation, pas le moindre bac pour se laver: la mort pesait sur nous par le froid, des sensations d'asphyxie, une pourriture qui nous imprégnait. Quant aux chiottes, ils étaient faits de fûts coupés par le haut sur lesquels une planche était installée. Ils étaient placés à chaque sortie des rangées d'alvéoles où nous couchions.
Les SS frappaient les détenus. Il fallait tout sacrifier au rendement. Le sort du IIIe Reich en dépendait. Ils obéissaient, les SS. Ils faisaient du zèle, se surpassaient dans la barbarie, dans l'art de persécuter. Le nombre de victimes ? Quelle importance! Il fallait voir comment, le matin, la cohorte se présentait, à la sortie du tunnel, pour demander à passer une visite médicale. Dans une odeur épouvantable, une putréfaction qui indiquait le processus de désagrégation, ces spectres espéraient un secours qui ne viendrait pas.
Ils crevaient là, de misère physiologique, n'ayant même plus la force d'implorer miséricorde, tandis que les camions du four crématoire de Buchenwald s'apprêtaient à venir les charger. |

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Les cadavres s'empilaient sans relâche, les nombreux arrivants remplaçant ceux qui mouraient avant d'y laisser leur vie à leur tour." |
Il y eut soixante mille déportés à Dora. Trente mille n'en revinrent pas.
SA MORT
 
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Les circonstances de la mort du Major Housiau ne sont pas exactement connues, on sait qu'il décéda le 1 er février 1945 au matin. On ne peut qu'imaginer les souffrances qui furent les siennes pendant son séjour à Dora.
Des funérailles furent organisées à sa mémoire.
Je suis content que les enfants participent aux œuvres… Parfois, je trépigne de me sentir en cage alors qu'il y aurait tant de bien à faire et de souffrances à alléger… Mais je me calme et m'en fais une raison. En avant et haut les cœurs ! Bon courage, beaucoup de patience, tête haute toujours ! L'aurore de la liberté approche…
(Extrait de sa correspondance)
J'ai appris à estimer ses hautes qualités de chef et d'homme. Il m'a poussé lui-même à faire du bien aux soldats…
(Lettre de son aumônier)
Je garderai de lui le souvenir d'un chef qu'on aimait servir avec gratitude et dévouement.
(Un de ses officiers)
C'était un des hommes les plus complets que j'aie connus. Je l'ai utilisé où il a pu rendre de grands services à un point que lui seul pouvait atteindre. Cela ne m'a nullement surpris d'apprendre comment il avait compris sa qualité de Belge, d'officier belge…
(Son Général)
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Il est mort pour son Idéal : "SERVIR".
Sous des dehors rudes, il cachait un cœur d'une profonde sensibilité.
Il aimait simplement mais sincèrement ses chefs, ses collègues, ses subordonnés, sa famille ; il se donnait à tous sans compter. Aussi laisse-t-il partout un grand vide.
En 1997, lors d'une cérémonie à Peutie, son gendre Franz Bonnet le décrivait en ces termes :
"Il avait le souci de la sécurité des hommes qu'il devait commander. Et ce n'est pas par hasard qu'aucun d'eux n'est tombé en captivité en 1940. Le président de l'Armée Secrète, Ed. Franckx, m'a dit avoir été heureux d'avoir été sous ses ordres.
Ne le croyez pas intrépide, il a connu des angoisses en passant la Meuse avec des aviateurs alliés.
Et non dépourvu d'humour car s'il faisait sauter des pylônes la nuit, il s'empressait, en tant qu'ingénieur à l'Union des Centrales Electriques du Hainaut, de déclarer le sabotage aux Allemands dès le matin.
Peut-être retrouvera-t-on un jour dans un cimetière le poste émetteur, ou ce qu'il en reste, qu'il cacha quelques jours avant son arrestation.
Courage et humour, énergie et patriotisme, ce sont les vertus que nous vous remercions de perpétuer par son souvenir."
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